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Quand la peur nous bloque

Par Moira Allen

vendredi 1er septembre 2006.

Traduction par Shakes


A la recherche de l’inspiration

Chère Moira,

J’ai vingt et un ans. Je suis certaine de pouvoir être un très bon écrivain, et je ne suis pas la seule à le penser. Mon problème c’est que je n’ai ni courage, ni inspiration, bien que j’aie d’excellentes idées. Pouvez-vous m’aider à trouver l’inspiration ?

Réponse : Le problème que vous décrivez n’est pas si exceptionnel. Je pense que ce que vous cherchez tient plus de la « motivation » que de l’« inspiration ». Vous avez beaucoup d’idées, mais vous ne possédez pas la détermination suffisante de vous asseoir pour les coucher par écrit.

Je parie que l’un de vos problèmes, c’est que vous êtes déjà quelqu’un d’occupé. Êtes-vous à l’université ? Si oui, vous avez sûrement beaucoup de devoirs et de dissertations à faire et vous pouvez trouver difficile de vous mettre à l’écriture de création après avoir eu autant de travaux d’écritures obligatoires à rendre. Avez-vous un travail ? Encore une fois, il est souvent très difficile de trouver l’énergie pour se mettre à écrire après toute une journée de travail. Ce sont des soucis communs à tous les écrivains.

Les exigences que vous avez envers vous-même peuvent être un autre problème. Vous avez d’excellentes idées et c’est super. Mais exigez-vous d’écrire à la perfection ? Vous craignez peut-être que ce que vous rédigerez ne rendra pas assez bien ces brillantes idées que vous avez en tête. Ceci aussi nous arrive à tous : nous arrivons à « voir » ce que nous voulons dire, mais ça ne ressort jamais tel quel.

En essayant d’écrire, avez-vous le sentiment de devoir produire quelque chose de valable, d’achevé et de significatif ? Vous attendez-vous à vous asseoir et à écrire une histoire en entier ? Essayez d’écrire sans but spécifique : des scènes, des exercices, des bouts de dialogues. N’oubliez pas que ce que vous écrivez au début peut ne pas être « à la hauteur » de la façon d’écrire de vos rêves. C’est la même chose pour la plupart d’entre nous. Nos premiers efforts ne sont souvent pas très bons.

L’écriture est comme n’importe quelle autre aptitude, la qualité résulte de l’entraînement. Personne n’envisagerait qu’après vous être emparé d’un pinceau pour la première fois, vous vous mettiez à peindre un chef-d’œuvre. On s’attendrait plutôt à vous voir étaler une couleur sur une page avec hésitation, et PEUT-ÊTRE produire quelque chose qui aurait une vague ressemblance avec ce que vous avez en tête. Idem pour la sculpture, la musique ou tout autre art, artisanat ou savoir-faire. Le fossé entre ce que l’on imagine et ce que l’on peut créer au début est souvent très large et désespérant.

La seule façon de traverser ce gouffre est de se poser et d’ÉCRIRE. Ne vous inquiétez pas de la qualité ou de savoir si c’est à la hauteur. Ne vous inquiétez pas de savoir si vous pouvez le vendre ou si quelqu’un d’autre aimera. Commencez par mettre les mots sur la page, même juste quelques-uns à la fois, et vous vous rendrez compte que ça devient vite meilleur et plus facile à faire. N’ayez aucune exigence envers vous-même, à part celle de prendre le temps d’écrire ces mots.

Le temps est la clef, la motivation et la discipline sont les outils. On peut attendre éternellement que ce sentiment « d’inspiration », ce désir brûlant, surgisse brusquement. Un jour vous vous réveillerez, réaliserez que vous avez vieilli et qu’il n’est jamais apparu. L’écriture ne plane pas au-dessus de nos têtes, attendant le moment de nous bénir. Elle doit être capturée avec un filet et on doit lutter contre elle jusque sur la page. Il faut dire à la muse, « ras le bol de toi, aujourd’hui j’écris que tu te montres ou pas ! », et puis s’asseoir et le faire, même si on se sent comme un écrivaillon lent et ennuyeux.

La discipline vous aidera à consacrer chaque jour un peu de temps à l’écriture, quel que soit ce que vous écrivez. Commencez par prendre un quart d’heure (avec le temps vous trouverez difficile de vous arrêter, pour le moment il est difficile de commencer). Trouvez des exercices ou des idées avec lesquelles vous pouvez « jouer » sans placer de trop lourdes attentes sur vos épaules. Écrivez non pas pour créer un produit spécifique, mais simplement pour vous exercer.

Envisagez de vous inscrire à un cours d’écriture en ligne qui vous donne des devoirs. Rien n’est plus « motivant » que d’avoir quelqu’un pour vous dire d’écrire un certain nombre de pages en une semaine ! Soudain on ne peut plus se contenter d’attendre l’inspiration, il faut écrire quoi qu’il arrive ! Et c’est là qu’on découvre que l’inspiration n’est vraiment pas quelque chose qui vous foudroie, mais qu’il faut plutôt tracter hors de soi-même une fois qu’on s’est engagé à la chercher.

Dépasser sa peur

Chère Moira,

Je sais que je peux écrire. J’ai des dizaines d’idées, soit écrites soit dictées sur cassettes. J’ai lu plus d’une trentaine de livres sur l’écriture. Je ne crois franchement pas souffrir du « syndrome de la page blanche ». [Mais] chaque fois que j’essaye de me poser et d’écrire vraiment quelque chose, j’ai une sensation affreuse dans l’estomac. Les idées sont dans ma tête, mais les mots n’arrivent pas à sortir sur le papier. Je n’arrive pas à me lancer. Comment s’en débarrasser ? Qu’est-ce que c’est ? J’espère que vous pourrez me conseiller.

Réponse : Cette sensation, c’est la « peur ». On y fait tous face. Que vous soyez un « nouvel » écrivain ou bien un écrivain confirmé, on la ressent quand même. Certains d’entre nous la ressentent face à chaque nouveau projet ; je sais que c’est mon cas et j’écris depuis vingt ans.

Si j’écris depuis vingt ans, néanmoins, ce n’est pas parce que je n’ai « pas peur », mais parce que j’ai réussi à m’asseoir et à coucher les mots par écrit malgré cette peur. Ce genre de sentiments peuvent être très désagréables, mais ils ne vont pas vraiment vous blesser. C’est simplement une façon qu’a votre esprit de dire : « Hé, je ne suis pas certain de savoir ce que je fais, là, et je me sentirais beaucoup mieux si tu me laissais faire quelque chose de plus sûr. »

Écrire n’est pas quelque chose de sûr. Cela inclut une grande probabilité de refus, de ne pas sortir les mots comme on le voudrait, d’échecs. On peut échouer de nombreuses façons. Ne pas voir son travail accepté par les éditeurs en est une, une autre est de tout simplement ne pas être à la hauteur de nos propres attentes.

Une question que vous pouvez vous poser est de savoir ce que sont vos attentes. Croyez-vous devoir écrire une prose parfaite immédiatement ? Trouvez-vous que ce que vous écrivez n’est pas à la hauteur de ce que vous avez imaginé, de ces scènes dans votre tête qui ne ressortent jamais comme telles sur papier ? (Nous avons tous ce problème.) Vous trouvez-vous toujours à corriger vos idées avant de réussir à les écrire ?

Vous attendez-vous à être critiqué, rejeté ou humilié par ceux qui lisent ce que vous écrivez ? Notez qu’il s’agit d’un CONFLIT « d’attentes ». Le premier problème, c’est que vous attendez de vos ÉCRITS qu’ils soient BONS pour en valoir la peine. Le deuxième problème, c’est que vous vous attendez à ce que les autres ne trouvent PAS ce que vous écrivez « assez bon ». De ce fait, vous pourriez avoir l’impression que si vous n’êtes pas capable d’écrire assez bien pour surmonter les critiques des autres, vous ne devriez pas écrire du tout.

Croyez-vous devoir être capable de vendre immédiatement ce que vous écrivez ? Si vous croyez que (a), ce que vous écrivez doit être commercialisable ou n’en vaut pas la peine et (b) que vous n’êtes pas sûr que cela puisse être commercialisé, alors (c) vous allez très probablement vous retrouver avec une page blanche.

Et oui, “page blanche” est l’expression clef. Si vous ne pouvez pas écrire, c’est-à-dire que vous ne pouvez vraiment pas poser les mots sur la feuille, vous êtes atteint d’une forme de syndrome de la page blanche. Avoir des idées merveilleuses n’est pas « écrire », l’action d’écrire elle-même est ce qui sépare ceux d’entre nous qui en ont de ceux qui deviennent des écrivains pour de bon.

Comment se débarrasser de cette peur ? La première réponse, c’est que l’on ne s’en débarrasse pas. On écrit malgré ce sentiment. On accepte le trac, on prend un Pepto Bismol [1] s’il le faut vraiment, on ÉCRIT, même si cela a l’air affreux. La seule façon de s’en débarrasser est de l’endurer plutôt que (a) d’attendre qu’il s’en aille ou que (b) d’essayer de le contourner. C’est comme faire de l’exercice, si on attend de se sentir plein d’énergie pour VOULOIR faire de l’exercice, alors on n’en fait jamais.

Voilà la première réponse, mais il y en a une autre : si le fait d’écrire vous donne des noeuds à l’estomac, essayez une autre méthode que vous utilisez déjà avec un peu de succès : dicter. Il n’y a aucune loi qui stipule qu’« écrire » doive vraiment se faire avec des doigts et un clavier (du moins au début). Si vous avez une excellente idée, dictez-la sur cassette. Ensuite, transcrivez l’enregistrement. Une fois que c’est fait, vous aurez déjà atteint le geste de base qu’est « enregistrer » une idée. Maintenant vous n’avez plus à vous soucier d’« écrire » et vous pouvez vous concentrer sur la révision et le perfectionnement de ce qui a déjà été créé.

Une autre option est de jeter un coup d’oeil aux logiciels comme « Dragon » qui vous permettent de dicter directement à votre ordinateur. De cette façon, on se passe du procédé enregistrement-transcription. L’ordinateur « tape » vos mots lorsque vous les dictez. Beaucoup de gens le trouvent très pratique, ils trouvent plus facile de « raconter » une histoire oralement que de la « taper » physiquement. Peut-être êtes-vous de ce type de personne. Le logiciel a besoin d’être « ajusté » (vous aurez des résultats assez amusants dans les premiers temps) mais j’ai entendu dire qu’une fois que vous vous y êtes habitué (et lui à vous), cela fonctionne plutôt bien.

Ne craignez pas la peur. Elle est naturelle, elle ne vous fera pas de mal. La seule chose qui vous fera mal, c’est de laisser cette peur vous voler la joie de créer.

Moira Allen, éditrice de Writing-World.com, a publié plus de 350 articles et chroniques, ainsi que sept livres, y compris How to Write for Magazines, Starting Your Career as a Freelance Writer, The Writer’s Guide to Queries, Pitches and Proposals, et Writing.com : Creative Internet Strategies to Advance Your Writing Career (tous en anglais). Elle collabore en tant qu’éditrice pour le magazine The Writer et a écrit pour le Writer’s Digest, Byline, et diverses autres publications sur le thème de l’écriture. En plus de Writing-World.com, Elle héberge le site de voyage TimeTravel-Britain.com, The Pet Loss Support Page, et le site de photographie AllenImages.net. Elle peut être contactée via sa page de contact (messages en anglais).

Cet article a d’abord été publié en anglais sur Writing-World.com - http://www.writing-world.com/.

Notes

[1] NDT : Médicament populaire aux USA, calme les crampes d’estomac et autres troubles intestinaux.

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1 Message

  • Quand la peur nous bloque

    28 mars 2007 16:57

    J’écris de la poésie. La poésie ne se vend pas et donc il est inutile de tenter de la faire éditer. Ma poésie est bonne. Je le sais. Je passe àl’aise toute les "bêta-lecteurs" et même tous les critiques du genre ... Mais, fort heureusement, la poésie, ça ne marche pas. En plus, j’ai un peu de mal avec mes textes.

    Il y a 10 ans de cela, je dînais àParis avec un collègue que je connaissais àpeine. La conversation est venue tout naturellement sur le sujet.(Dans mon métier, on ne parle pas de livres et de poésies, mais de foot et de motos.)

    Ce collègue m’a déclaré : « Un jour, tu écriras un roman. » J’étais surprise. Bien sà»r que je rêvais d’écrire un roman et cela depuis mes 7 ans ! Toutefois, rien dans ma vie, àl’époque, me laissait présager une telle tournure artistique. J’ai terminé mon premier roman. Il est venu tout seul àmoi. Je suis bien ennuyée, maintenant. Je me trouve un tas de bonnes excuses pour ne pas trop le faire éditer. Une "non-édition" peut-être ?

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