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Le temps et l’écrivain

Par Moira Allen

dimanche 30 juillet 2006.

Traduction par Freyja


Vous demandez-vous quand est-ce que vous trouverez suffisamment de temps pour commencer à écrire ? Si c’est le cas, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que vous n’aurez jamais plus de temps que vous n’en avez aujourd’hui. La mauvaise, c’est que, et bien, c’est précisément la mauvaise nouvelle.

Le temps ne se "trouve" pas. Le temps doit être "capitalisé". Si vous décidez d’attendre que vos enfants soient en âge d’aller à l’école, ou à l’Université, ou d’avoir assez d’argent pour quitter votre travail, ou encore si vous attendez la retraite, vous pouvez toujours attendre. La seule manière de voir se réaliser les rêves d’écriture, c’est de commencer à prendre en compte maintenant le temps que vous avez aujourd’hui — et de faire en sorte que ce temps soit un ami plutôt qu’un ennemi.

Considérez le temps comme un investissement.

Certains disent que "le temps c’est de l’argent". Il serait sans doute plus correct d’affirmer "le temps c’est comme l’argent". Nous en avons une quantité limitée, et nous devons prendre des décisions concernant où et quand les dépenser.

Écrire, comme toute nouvelle carrière, demande un investissement initial de temps. Beaucoup d’écrivains en herbe, toutefois, ne sont pas à l’aise avec cet investissement de départ. Ces longues heures bénévoles devant l’écran ou le clavier, donnent l’impression d’être "vain", ou trop "indulgent" envers soi-même (surtout si vous n’êtes pas satisfait de ce que vous produisez). Pire, beaucoup d’écrivains ont des proches qui partagent ce point de vue.

Pourtant, cette base est essentielle. Cela prend du temps de développer son savoir-faire, vendre ce premier article, se constituer un cercle de clients. Si vous vous asseyiez aujourd’hui et envoyiez vos premiers projets d’articles à des éditeurs de magazines, il pourrait y avoir deux à quatre mois avant de recevoir une réponse, six avant d’en vendre un, et huit avant de voir votre premier chèque. Mais si vous n’investissez pas de temps dans cette période de "marasme" initiale, vous ne verrez jamais aucun chèque.

Deuxième étape : Examinez votre ‘budget temps’.

"Trouver du temps pour écrire" ne signifie pas trouver du temps "libre", cela signifie réallouer du temps jusqu’ici accordé à d’autres projets et activités. Avant que vous ne puissiez faire cela, cependant, vous devez découvrir exactement où vous "dépensez" votre temps. Une bonne méthode consiste en l’achat d’un agenda qui fractionne chaque jour en portions de quinze minutes (ils sont disponibles dans les magasins spécialisés en fournitures de bureau). Pendant deux semaines, notez avec application ce à quoi vous passez votre temps — en incluant repas, sommeil, brossage des dents, etc. Soyez honnêtes : si vous êtes resté pendant une heure au-dessus de votre bol de céréales à lire des articles sur Leonardo Dicaprio, écrivez-le (au moins, consignez-le comme "recherche en célébrités"). Le résultat de vos notes pourrait vous surprendre. Avez-vous parfois de ces jours où vous avez l’impression de ne jamais vous arrêter, de l’aube au crépuscule — mais où vous finissez par vous retrouver incapable de dire ce que vous avez accompli ? Ces notes vous aideront à découvrir où ce temps est donc passé. Vous pourriez être surpris du temps que vous prennent certaines tâches, et combien de tâches "inaperçues" grignotent votre journée. De même, vous vous rendrez peut-être compte que vous passez beaucoup de temps sur des choses qui vous importent bien moins que l’écriture.

Troisième étape : Examinez vos priorités.

Peu importe ce que vous êtes en train de faire — travailler, élever vos enfants, aller à l’école, vous avez déjà un emploi du temps "complet". Votre première réaction à la pensée d’intégrer du temps d’écriture dans ce planning est sans doute : « Où ? Comment ? »

Il est très probable que vous ayiez des concessions à faire. Vous devrez sans doute renoncer à certaines activités pour réallouer ce temps. Un bon exercice à ce stade serait de regarder votre agenda et de classer les diverses activités auxquelles vous vous adonnez. Catégories possibles :

  • Tâches inévitables. Votre travail, par exemple, trouverait sans doute sa place ici.
  • Tâches nécessaires. Il est évident que vous n’allez pas renoncer à cuisiner le dîner, laver les vêtements, vous habiller, déjeuner, etc. Cependant, certaines de ces tâches peuvent être réévaluées, replanifiées, ou combinées avec d’autres tâches (par exemple, au lieu de quitter le bureau pour manger chaque midi, pensez à passer cette heure à votre bureau en passant en revue des magazines ou le Writer’s Market [1]).
  • Tâches qui vous font plaisir. N’abandonnez pas tout ce que vous aimez faire ; c’est un moyen sûr pour s’abimer la santé. Si vous sentez que vous perdriez vraiment quelque chose de valeur en abandonnant une activité particulière, mettez-la dans cette catégorie.
  • Tâches que vous effectuez parce que vous vous sentez "obligé" de le faire. Les activités bénévoles entrent souvent dans cette catégorie. Il se peut que vous ne les aimiez pas, mais vous vous sentez contraint de continuer. Certaines tâches ménagères entrent aussi dans cette catégorie. Est-il absolument nécessaire de repasser les draps ? C’est une bonne catégorie pour chercher du temps à réallouer à l’écriture.
  • Tâches que quelqu’un d’autre pourrait faire. On s’habitue souvent à s’occuper des petites choses pour les autres (comme étendre les chemises de son compagnon) que ceux-ci pourraient faire eux-mêmes. Parfois, déléguer de telles tâches vous libère non seulement du temps, mais aide aussi les autres à devenir plus responsables et indépendants.
  • Tâches qui semblent vous prendre un temps démesuré. Cela vous a-t-il réellement pris trois heures de faire la lessive, ou de faire les courses, ou de laver la voiture ? Pourquoi ? Dans beaucoup de cas, nous perdons du temps en étant distrait ou en faisant "quelque chose" sans se rendre compte de ce que l’on fait.
  • Tâches purement récréatives. Lecture, TV, jeux vidéo entrent tous dans cette catégorie. Comme, dans certains cas, le "surf sur internet" et les emails. J’ai connu des gens qui souhaitaient être écrivains et passaient quarante heures par semaine à des jeux de rôles ou à des jeux vidéo. N’imaginez pas devoir abandonner toutes vos activités récréatives pour devenir écrivain, cependant si celles-ci occupent de nombreuses heures, vous devriez réétudier vos priorités.

Quatrième étape : Éliminez les ‘gaspilleurs’ de temps.

Nous en avons tous. Nous sommes conscients de certains d’entre eux, d’autres cependant se glissent dans nos vies déguisés en habitudes, en stratagèmes de procrastination, et en hypothèses sur ce que nous "devrions" et "ne devrions pas" faire. En voici quelques-uns des plus communs.

  • TV. J’ai une amie qui passe trois à cinq heures devant son poste le dimanche ; néanmoins, elle se plaint qu’"il n’y a rien" pendant la semaine ! Un magnétoscope serait à même de résoudre ce problème : en enregistrant ses programmes préférés, mon amie pourrait libérer ses dimanches pour écrire, et avoir quelque chose à regarder les soirs de semaine, quand elle est trop fatiguée pour écrire. Demandez-vous si vous regardez certains programmes parce que vous les aimez ou simplement par habitude. Si vous supprimez deux programmes d’une heure chacun par semaine, qui vous importent peu (ou que la famille peut tout à fait regarder avec plaisir sans vous), vous venez de gagner deux heures d’écriture.
  • Vidéos. Les vidéos impliquent une décision de conscience : vous devez décider d’en louer une, et déterminer celle que vous allez louer. Je connais des gens qui louent trois vidéos pour une seule soirée : une pour lui, une pour elle et une pour les enfants. En en supprimant juste une, on gagne deux heures de temps d’écriture. Si vous louez trois vidéos par semaine, pensez à en supprimer une, et vous gagnerez deux autres heures.
  • Prospectus. Certaines personnes pensent qu’elles doivent ouvrir tout le courrier. Pourquoi ? Aucune loi ne nous interdit de jeter cette pub pour une nouvelle carte de crédit, ou magazine, ou quoi que ce soit, sans la lire. Prenez l’habitude de trier votre courrier, en jetant tout ce dont vous n’avez pas directement besoin dans un sac poubelle ou un bac à recyclage. Faites la même chose avec les catalogues ou les prospectus indésirables. Ne vous fatiguez pas à les passer en revue. Passez seulement du temps sur le courrier important.
  • Magazines. Si vous recevez plus de trois magazines par mois, examinez la pile avec attention. Est-ce qu’elle contient des publications que vous ne prenez jamais le temps de lire ? Des publications qui restent là pendant des semaines avant que vous ne vous penchiez sur eux ? Que vous ne les survoliez, seulement ? Ceux-ci sont probablement candidats à l’annulation. Faites la même chose avec les journaux : avez-vous vraiment besoin d’un quotidien, ou pourriez-vous vous contenter de l’édition du week-end ?
  • Courses. Les courses consomment bien plus de temps que nous le pensons, parce qu’elles prennent en compte des heures qui ne se passent pas directement au magasin. Elles incluent le temps du voyage aller-retour, et aussi du temps "à la maison" (comme le temps passé à ranger les provisions). De plus, elles sapent toute notre énergie, nous laissant trop fatigué pour aller directement écrire. La plus grosse perte de temps, c’est de faire plusieurs voyages dans la même journée. On oublie souvent qu’une sortie au magasin peut prendre quinze minutes en voiture à chaque fois — pour un total d’une heure si on y va deux fois. Bien souvent, faire des listes de courses peut éliminer des voyages gâchés pour des choses que l’on a oubliées (ne vous arrêtez pas à la liste de provisions, tenez des listes de vos besoins de bureau, de choses à passer prendre ou à déposer...). Tentez de combiner autant de courses que possible en un seul voyage, ou d’en faire le plus possible au même endroit. Si vous oubliez quelque chose et que vous pouvez vivre sans, attendez le prochain voyage (par exemple, si vous ne passez pas au nettoyage à sec aujourd’hui, il sera toujours là demain). Mettez en place un jour spécifique pour les courses de la semaine : ainsi vous prendrez l’habitude de planifier ce jour. Et si, le jour d’après vos courses, quelqu’un vous dit : « chéri(e), il me manque ceci et cela », soit vous remettez cet achat au prochain voyage, soit vous envoyez cette personne au magasin.
  • Télévendeurs. Si vous êtes comme moi, votre mère vous a probablement dit que c’était impoli de raccrocher au nez des personnes qui appellent, même des démarcheurs. Votre mère, toutefois, n’a pas été élevée à l’âge du démarchage par téléphone, quand on peut recevoir quatre à cinq appels en une journée. Une des solutions consiste à ne simplement pas décrocher, installer un répondeur et, si vous êtes en plein dans un projet, éteindre la sonnerie. Une autre solution serait d’investir dans un téléphone qui reconnaît le numéro de l’appelant. « Indisponible », indique presque tout le temps un démarcheur, ce qui vous laisse libre d’ignorer l’appel. Si vous décrochez, dites rapidement et fermement à la personne que vous n’êtes pas intéressé, et s’il essaie de vous garder en ligne (en comptant sur la politesse que tant d’entre nous avons apprise), raccrochez.
  • Les travaux domestiques. Peu de distractions sont aussi tentantes que le ménage. Il y a des jours ou je préférerais littéralement passer l’aspirateur plutôt que de faire face à une demande d’article — et je suis loin d’être la ménagère la plus dévouée au monde.

L’une des questions que je me suis habituée à me poser, c’est « est-ce que ce sera fait, même si je ne le fais pas maintenant ? » La réponse est souvent oui, en parlant d’une tâche ménagère, et il est possible que ce soit non, lorsqu’il s’agit d’un article, d’un texte, d’une interview, etc. Par exemple, si le sèche-linge a terminé, je sais que tôt ou tard, je viderai le tambour (éventuellement, je serai à court de sous-vêtements). Cependant, si je m’interromps au beau milieu d’un article, cela peut me prendre beaucoup de temps pour y revenir. Le lavage du linge peut attendre. L’écriture, souvent, non. C’est le même principe pour l’aspirateur, la vaisselle, la poussière, etc...

Une autre option serait d’engager une aide ménagère. J’y pense plutôt sérieusement. Si vous vendez régulièrement des articles de 500$ à des magazines, vous pouvez trouver que cela vaut le coup de dépenser 15$ ou 20$ l’heure une ou deux fois par mois pour quelqu’un qui passe l’aspirateur et le balai. Si vous engagez réellement une aide extérieure, soyez sûr que a) vous engagez sur contrat, de ce fait vous n’aurez pas à payer des "gages" (bénéfices et taxes inclus), et b), vous n’engagez pas quelqu’un qui exige un minimum de temps, comme par exemple trois heures minimum à chaque visite.

Apprenez aux autres à respecter votre temps.

Beaucoup d’entre nous ont appris à tout laisser de côté dès que quelqu’un réclame (ou exige) leur attention. Cela peut être un mari, un enfant, un collègue, ou cette amie qui appelle chaque jour pour parler de ses problèmes.

Si vous ne faites pas attention à votre temps, personne ne le fera. Il ne suffit pas de demander aux autres de respecter votre "temps pour écrire", vous devez imposer cette requête en refusant de tout arrêter dès que quelqu’un vous interrompt. Autrement, les gens vous interrompront, non pas par méchanceté ou par manque de considération, mais parce que vous ne leur aurez pas donné de raison de ne pas le faire.

Beaucoup de "mamans écrivains" (ou papas) appliquent la règle du "si cela ne brûle pas ou ne saigne pas, ne pas déranger". C’est parfois plus facile à faire si vous avez une porte qui ferme, mais ce n’est pas toujours essentiel. Ce qui est essentiel, c’est de convaincre les autres que vous pensez ce que vous dites, quand vous dites : "Je suis en train d’écrire et ne peux pas être dérangé". Cela signifie que vous ne vous arrêterez pas d’écrire à moins que la maison soit en feu.

Parfois cela signifie aussi refuser de répondre au téléphone, ou même couper la sonnerie. À certains égards, un téléphone qui affiche le numéro de l’appelant est encore mieux qu’un répondeur, parce que vous pouvez voir qui appelle avant de décrocher. Si c’est "l’amie avec un million de problèmes", faites semblant d’être "sorti" et ne répondez pas. Faites la même chose avec les voisins qui savent que vous êtes "chez vous" (et donc, évidemment, disponible) et qui veulent passer pour bavarder ou pour une pause café.

Protéger votre temps signifie cultiver l’art de dire "non", "plus tard", ou "je dois y aller maintenant". Au premier abord, cela peut sembler être la tâche la plus difficile d’entre toutes, mais finalement vous réaliserez que le monde ne vous voit pas pour autant comme un ogre — et que vous êtes en fait en train de produire des écrits de qualité !

Si vous cherchez du temps pour écrire, n’attendez pas demain ou la semaine prochaine, ou que les enfants aient grandi et quitté la maison. Commencez dès aujourd’hui. C’est vraiment tout le temps dont vous avez besoin.

Moira Allen, éditrice de Writing-World.com, a publié plus de 350 articles et chroniques, ainsi que sept livres, y compris How to Write for Magazines, Starting Your Career as a Freelance Writer, The Writer’s Guide to Queries, Pitches and Proposals, et Writing.com : Creative Internet Strategies to Advance Your Writing Career (tous en anglais). Elle collabore en tant qu’éditrice pour le magazine The Writer et a écrit pour le Writer’s Digest, Byline, et diverses autres publications sur le thème de l’écriture. En plus de Writing-World.com, Elle héberge le site de voyage TimeTravel-Britain.com, The Pet Loss Support Page, et le site de photographie AllenImages.net. Elle peut être contactée via sa page de contact (messages en anglais).

Cet article a d’abord été publié en anglais sur Writing-World.com - http://www.writing-world.com/.

Notes

[1] Collection de livres, ainsi qu’un site internet, qui répertorient les marchés d’intérêt pour les écrivains, avec leurs directives d’envoi et informations de contact.

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