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Comment traiter les refus

Par Lee Masterson

vendredi 1er décembre 2006.

Traduction par Leippya


« Cher Écrivain Refusé,

La remarquable équipe chercheuse de chefs-d’œuvre des Éditions Fricagogo a décidé de ruiner votre journée en vous envoyant ce bout de papier sans intérêt. Ceci est un refus officiel de vous en tant que personne, et de vous en tant qu’écrivain.

En résumé, nous avons trouvé votre histoire tellement minable que nous ne voulions pas utiliser votre enveloppe auto-adressée, au cas où vous auriez personnellement léché le timbre. En fait, nous avions peur de la toucher. Nous avons engagé quelqu’un pour la brûler pour nous. Et nous avons employé la même personne pour préparer cette lettre de refus standard, afin que vous ne soyez pas tenté de penser que nous avions lu votre texte.

Une fois à la poste, le personnel de la rédaction s’attroupera autour de cette lettre-de-refus-infernale sur le point d’être cachetée et scandera des malédictions sur votre futur dans l’écriture, après quoi nous rirons de vous et vous traiterons de tous les noms, de Rebut et d’Amateur, juste pour nous faire nous sentir bien, mais surtout pour vous faire vous sentir mal.

Passez une journée pourrie !

L’Éditeur »

Refusé - Personnellement !

Beaucoup d’écrivains sont convaincus que les lettres de refus sont profondément personnelles. Sans se soucier de savoir si le refus reçu est un refus standard ou bien une note personnalisée essayant d’expliquer pourquoi cette publication a choisi de ne pas accepter votre idée originale - pour un écrivain, l’éditeur décadent est l’ennemi.

Sérieusement, la première chose que tous les écrivains se doivent de réaliser est que les refus ne sont PAS personnels. Je sais que beaucoup d’entre vous sont en train de faire non de la tête et qu’encore plus ne vont pas me croire tout de suite, mais c’est vrai.

Jetons un oeil à quelques-unes des raisons pour lesquelles un éditeur peut refuser votre texte :

- La publication est sur-approvisionnée en textes similaires, en ce moment.
- Le sujet du manuscrit ne correspond pas aux préférences de cet éditeur.
- Le manuscrit est trop long/trop court au goût de cette maison d’édition.
- L’éditeur n’achète que des histoires d’horreur. Vous avez envoyé une histoire romantique !
- Votre manuscrit était adressé à la mauvaise personne.
- Il n’y a pas de marché pour les livres sur l’achat de pneus-neige en Australie intérieure.
- L’éditeur a dépensé son budget d’achat trimestriel, et en conséquence a refusé tout ce qui est arrivé ce mois-ci.

Les exemples ci-dessus ne sont qu’un échantillon de ce qui pourrait arriver dans n’importe quel service débordé d’une maison d’édition - et ne sont aussi que les premières idées qui me sont venues à l’esprit. Dans chaque exemple, l’éditeur ne rejette en aucun cas l’AUTEUR personnellement. Dans chaque exemple, néanmoins, l’éditeur s’efforce de montrer à l’auteur que son manuscrit n’est tout simplement pas correct pour cette maison d’édition à ce moment précis, d’un point de vue purement orienté business.

Beaucoup, beaucoup d’autres raisons peuvent mener un éditeur à choisir de refuser n’importe quel texte. Je pourrais faire des recherches pendant la prochaine décennie et trouver ENCORE de nouvelles raisons justifiant les refus des éditeurs. Je suis prête à parier que très, très peu de ces refus proviennent d’une antipathie personnelle pour l’auteur.

Qu’est-ce qu’un éditeur ?

Bien que certains soient convaincus du contraire, les éditeurs sont des personnes. Ils respirent du vrai air et font un vrai travail. Ils rentrent chez eux dans de vraies maisons et ont de vraies familles (parfois). Ils ont des chefs à qui ils doivent rendre des comptes et doivent s’acquitter de leurs fonctions professionnelles, comme tout le monde.

Le travail d’un éditeur est d’acheter des manuscrits (que ce soient des romans, des nouvelles ou des articles) pour la maison d’édition qui signe le chèque le jour de la paie. Pour que cet éditeur continue de recevoir son salaire, la maison d’édition doit continuer à vendre suffisamment de livres (ou magazines) à suffisamment de lecteurs pour garantir que les dépenses courantes soient couvertes pour une semaine de plus.

Si l’éditeur achète un manuscrit qui ne rapporte PAS de bénéfice suffisant pour maintenir à flot la maison d’édition, alors tout le monde y perd. Le travail de l’auteur est TOUJOURS refusé, l’éditeur perd son travail, et les milliers d’employés qui y sont rattachés vont aussi rejoindre les rangs des chômeurs une fois que la maison d’édition aura fait faillite et fermé ses portes.

Maintenant que nous comprenons tous ce fait insignifiant, il est temps de se poser les questions suivantes :

Pourquoi tant d’écrivains ressentent-ils le besoin se venger de façon sanglante et sinistre sur un éditeur qui ne fait que son travail ?

En faisant des recherches pour cet article, j’ai visité quelques sites pour "Faire Face aux Refus". Un de ces sites propose aux auteurs refusés de laisser libre cours à leur frustration et leur colère envers de malheureux éditeurs.

Sur un forum, j’ai trouvé par hasard les tirades furieuses d’un écrivain refusé, déterminé à faire savoir au monde qu’il pensait que tous les éditeurs et tous les agents ne cherchaient qu’à découvrir “combien d’argent un écrivain pouvait [leur] rapporter, de toutes façons”.

J’aimerais savoir qui a dit à cet Écrivain Refusé mécontent que l’industrie avait jamais fonctionné différemment ! Soyons honnêtes. Si votre livre n’est pas communément apprécié des masses (vos lecteurs !) alors aucune copie ne se vendra. Si aucune copie ne se vend, alors la maison d’édition a perdu de l’argent. L’éditeur a perdu de l’argent. La librairie a perdu de l’argent. L’auteur a perdu de l’argent - oh, attendez - l’auteur doit rembourser toute dépense n’ayant pas été couverte par les ventes... [1]

Honnêtement, l’industrie de l’édition est une entreprise orientée argent et ventes - comme n’importe quelle autre entreprise. Pourquoi tenter d’intérioriser quelque chose qui concerne simplement le nombre de livres allant se vendre sur tel nombre de rayons un jour donné ?

Qu’est-ce qu’un auteur publié ?

Je sais, je sais - vous êtes déjà en train de penser “Un auteur publié est un écrivain qui a été publié.

Vous êtes très en avance sur moi. Quoique, l’êtes-vous vraiment ? J’allais utiliser la définition suivante : “Un auteur publié a un jour été un auteur non-publié qui n’a pas renoncé à envoyer ses textes.

Vous voyez, TOUS les écrivains publiés ont un jour été des écrivains inconnus et non-publiés, qui ont continué d’envoyer leurs écrits jusqu’à ce qu’enfin ils soient acceptés. C’est un pari pur et simple. Plus vous envoyez, plus grandes sont vos chances de recevoir une acceptation !

Saviez-vous que :

- On rapporte que le premier livre Harry Potter a été refusé par 14 maisons d’édition.
- Carrie de Stephen King a été refusé plus de 30 fois avant d’être retenu pour être publié.
- Jonathan Livingston le Goéland, de Richard Bach, a reçu plus de 140 refus.
- Après 743 lettres de refus, l’auteur britannique John Creasy a publié plus de 564 romans policiers !
- Un raccourci dans le temps de Madeleine L’Engle a reçu plus de 30 refus. Il lui a fallu 10 ans pour être publié, et il a alors gagné le Prix Newbery [2].

Que faire quand vous recevez un refus

Le nombre d’auteurs potentiels jurant de se venger de tout éditeur ayant refusé une histoire ne cesse jamais de m’étonner.

Vous avez plusieurs choix. Vous pouvez :

a) Griffonner "Meurs, Éditeur" avec du sang sur la lettre de refus standard photocopiée sur du papier bon marché, et la renvoyer promptement à cet éditeur, accompagnée de la tête sciée de sa peluche Lapin Tout Doux.

ou

b) Agir comme un écrivain professionnel, classer chaque texte refusé dans un dossier puis l’envoyer de nouveau ailleurs. De cette façon, chaque refus est transformé en un envoi tout neuf le jour même.

Maintenant, je ne dis pas que ma façon de traiter les refus est la meilleure, mais voici quelques-unes des choses que je fais lorsque je reçois un refus.

D’abord, j’ouvre mon classeur à rideau et sort le dossier marqué "Refus". Puis je place la lettre de refus à l’intérieur, le ferme et le range de nouveau dans le meuble.

Ensuite, j’ouvre un fichier sur mon ordinateur appelé "Business de l’Écriture". A l’intérieur, il y a des sous-dossiers pour les factures, les contrats, les impôts, les coupures de presse, les idées, les extraits, les articles et histoires à moitié terminés, le calendrier des tarifs de paiement, deux feuilles de calcul (pour les envois et le montant de la rémunération) et un dernier dossier pour - vous l’avez deviné - les REFUS.

A l’intérieur du dossier des refus, j’ai un autre fichier de tableur. Je liste la date et le nom de la publication. Je note aussi l’endroit où j’ai l’intention d’envoyer le texte ensuite. Puis je l’inscris de nouveau dans le tableau des envois (parce que ce n’est plus un refus, c’est un nouvel envoi, vous vous souvenez ?).

Améliorer les chances d’acceptation

Il y a beaucoup de choses que vous pouvez faire pour augmenter vos chances d’être accepté par un éditeur. La solution la plus évidente est : envoyez plus.

Vraiment simple, n’est-ce pas ?

Bien sûr, plus vous soumettez de textes, plus grandes sont les chances de recevoir un refus. Mais il en va de même pour la probabilité de recevoir une acceptation, aussi. C’est vraiment un pari.

Plus vous envoyez, plus grandes sont vos chances de recevoir une acceptation !

Lee Masterson est une écrivain en freelance d’Australie méridionale. Elle est aussi l’éditrice de Fiction Factor (http://www.fictionfactor.com) - un magazine en ligne pour les écrivains, qui offre des astuces et des conseils sur la manière de se faire publier, des articles pour améliorer vos compétences en écriture, des tas de ressources pour écrivains et bien plus encore. Jetez un oeil au dernier livre de Lee, "Write, Create & Promote a Best-Seller" (en anglais) ici et démarrez votre carrière d’écrivain.

Cet article a d’abord été publié en anglais sur FictionFactor - http://www.fictionfactor.com/.

Notes

[1] NdT : D’après le Guide pratique de l’écrivain (ISBN 2-84899-025-2), l’à-valoir est remboursable ; en pratique cela ne se fait pas mais mieux vaut être prudent et vérifier son caractère acquis dans la clause correspondante du contrat.

[2] NdT : Prix américain récompensant les œuvres exceptionnelles de la littérature jeunesse

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2 Messages de forum

  • Comment traiter les refus

    23 décembre 2006 12:45, par Ness
    PTDR !!!! J’ai adoré cet article :) Surtout qu’il résume bien la frustration de certains auteurs refusés ^^ *part terminer sa poupée vaudou*

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  • Comment traiter les refus

    31 juillet 2007 16:24, par gibet_b
    Le premier paragraphe de ce texte m’a fait pleurer de rire !!! C’est écrit avec beaucoup d’humour, en essayant de dédramatiser le refus, c’est très bien !

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